Le château de Matsumoto plongé dans le mystère du nō

Le 8 août 2025, le château de Matsumoto, joyau classé trésor national, a offert à ses visiteurs une expérience hors du temps : une représentation en plein air de takigi nō (能・薪能), le théâtre nō illuminé par des feux de bois. Dans le jardin du Ninomaru, à la tombée du soir, les silhouettes des acteurs se sont découpées devant les flammes vacillantes, projetant le public dans un univers où histoire, spiritualité et esthétique s’entrelacent.
Un programme sacré et dramatique
La soirée s’ouvrait sur Okina (翁), une pièce rituelle d’une grande solennité, interprétée comme une prière pour la prospérité, la longévité et la paix. Cette œuvre, souvent considérée comme le cœur sacré du répertoire, a immédiatement plongé l’audience dans une atmosphère de recueillement.
La seconde partie donnait vie à Atsumori (敦盛), inspiré du Heike Monogatari. On y voit le guerrier Kumagai no Jirō affronter et tuer le jeune Taira no Atsumori. Mais le drame se transforme en méditation sur la compassion et l’éphémère de la vie, thèmes chers au nō. La performance, portée par le chant grave, la flûte (nohkan) et les percussions, a bouleversé l’auditoire.
La magie des flammes et du yūgen
Environ 1 000 spectateurs s’étaient réunis pour cet événement, organisé par la ville de Matsumoto et des associations locales. Loin de la foule agitée des festivals estivaux, l’ambiance demeurait paisible, presque intimiste. Les feux disposés autour de la scène (kagaribi) projetaient des ombres mouvantes, accentuant le sentiment de mystère.
Le Shimin Times du lendemain soulignait combien cette représentation avait incarné l’essence du 幽玄 (yūgen), cette esthétique centrale du nō qui désigne une beauté subtile, profonde et insaisissable. L’alliance du château, des flammes et de la musique ancestrale offrait une expérience où chaque spectateur pouvait « voyager dans les temps anciens ».
La voix du public
Un spectateur, interrogé à chaud, résumait son ressenti en quelques mots simples mais évocateurs :
« C’était vraiment superbe.
Pas trop de monde, une ambiance solennelle.
Les arts traditionnels, c’est quelque chose de beau.
Cela fait rêver au passé.
Mais pour en profiter pleinement, il faut s’y préparer. »
Ces paroles traduisent l’esprit même du nō : un art exigeant, mais qui, lorsqu’on s’y laisse emporter, ouvre une porte sur un univers de spiritualité et de poésie.
Une soirée mémorable
Cette édition du takigi nō au château de Matsumoto n’a pas seulement été un spectacle : elle fut une immersion dans un patrimoine vivant, où le passé dialogue avec le présent. Sous le ciel d’été, le public a pu ressentir, l’espace de quelques heures, la force intemporelle de cet art millénaire.